Le regard toujours perdue dans le vide, observant la verdoyante canopée entourant le manoir, elle entendit les pas du chevalier s’éloigner et le battant se refermer. Aucun autre mot n’avait été échangé entre temps, la jeune vampire ne sachant quoi répliquer. Il n’y avait, de toute façon, strictement rien à rajouter de plus.
Eyrah referma les lourdes teintures de velours d’un coup sec, plongeant la pièce dans une pénombre feutré. Elle attrapa sa coupe posée un peu plus loin et la vida d’un trait, la rage lui tenaillant le ventre. L’envie de balancer quelques choses en travers de la pièce et de le voir se briser en mille morceaux, lui empoigna l’esprit et le cœur, la nette impression d’avoir perdue lui faisant perdre les derniers filaments de civilité qui lui restaient.
Tentant de se changer les idées, la jeune femme se focalisa plutôt sur ses vêtements maculés de sang, autant le sien que celui de l’Archidiacre. Elle délaça, difficilement d’ailleurs, son corsage et l’envoya balader à l’autre bout de la pièce, en compagnie de ses deux jupons, se disant que quelqu’un les ramassera à un autre moment. Souhaitant ardemment être seule pour le moment, sa chevelure carmine dévalant ses épaules de façon négligé et en simple chemise de lin, elle se jetait sur le lit en poussant un intense soupir dans ses oreillers, tentant d’évacuer le surplus d’émotions. Une vague d’épuisement la parcourue, alors que ses yeux lourds de fatigue se refermèrent doucement, conduisant les iris bleutés vers un sommeil sans songes.
Un faible rayon de lune, passant la mince ouverture entre les teintures, illuminait son visage endormi, donnant à sa peau une lueur quasi translucide, presque comme scintillante de l’intérieur. Eyrah se réveilla en sursaut, tendue comme un arc, analysant les alentours d’un air confus. Ses vêtements tachés avaient disparus et l’hypocras, au parfum entêtant, avait été remplacé par une carafe d’eau fraiche.
Elle sortit du lit difficilement, le corps toujours à moitié dans les bras d’Orphée. Ouvrant les épais rideaux, elle laissa son regard parcourir la cour et fut soudainement attiré par une silhouette jugée sur un cheval à la pâleur fantomatique. Aucun doute quant à l’identité du cavalier, partant au galop sur la route de terre. Cet animal étant un vrai démon, il n’y avait qu’une seule personne capable de le monter sans se faire renverser…
Quelques jours passèrent sans que rien de bien intéressant ne se produise au manoir. Le temps morne et gris n’invitait pas à se rendre à l’extérieur et les serviteurs devant sortir dans l’enceinte se dépêchaient à effectuer leurs tâches pour ne pas être surpris par les pluies soudaines et froides de l’automne. La rumeur quant à la soudaine disparition du maitre courait entre les soldats et les autres membres du château, sans pour autant qu’un seul n’ait la véritable raison.
Au matin de la quatrième journée, Charles vient quérir la dame à la chevelure de feu, lui informant qu’on lui avait demandé de lui enseigner les dernières danses à la mode. Les services de Marie n’étant pas requis pour le moment, le majordome lui demanda d’aller prêter main forte en cuisine.
Ils traversèrent la demeure, les gardes personnels de la jeune femme sur les talons, se dirigeant vers la plus grande des salles, destinés normalement aux réceptions en tout genre. La lourde porte en bois s’ouvrit, dévoilant un bien étrange spectacle.
La dite salle de réception, avait été transformé en armurerie provisoire. Des soldats, l’armure à moitié mise, s’entrainaient férocement, leurs cris se mêlant aux chocs des armes. Ils cessèrent tout mouvement lorsqu’ils se rendirent compte de la présence du majordome et de la demoiselle, certains s’inclinant maladroitement, toujours malaisé de présenter des politesses à un être qu’ils avaient été entrainés à tuer.
Le chef de bataillon s’approcha de Charles, s’excusant au passage de l’utilisation de la salle, celle normalement utilisé par ses hommes ayant été inondé durant les dernières pluie, le sol en terre battue étant devenu un véritable marécage.
Ne prêtant guère intérêt à la conversation entre les deux hommes, Eyrah se dirigea plutôt en direction du râtelier en bois où étaient alignés bon nombre d’épées, scintillantes sous les flammes des torches, la faible lumière grisâtre du matin n’aidant en rien à illuminer la pièce. Son regard bleuté fut attiré par une fine lame à la garde ouvragé, une rapière provenant probablement d’Italie. Son père lui avait parlé de cette épée d’estoc, mais le maniement n’était pas encore très connu en France.
L’un des jeunes soldats s’approcha presque timidement de la jeune femme et dit, voyant son intérêt pour l’arme :
«C’est une jolie épée, n’est-ce pas? Mais elle ne vaut pas grand-chose, pratiquement un jouet face à une bonne vieille double lame…»
Eyrah darda son regard sur le jeune homme et répondit, un léger sourire aparaissant sur ses lèvres :
«Pas quand on sait s’en servir.»Un rire général s’empara des hommes à porter de voix. La dame n’haussa qu’un sourcil, légèrement surprise de leurs réactions. L’un d’eux osa même dire que les femmes ne connaissaient rien à l’art de se battre, de toute façon.
Eyrah s’empara de l’épée, la faisant habilement tournoyer dans sa main, avant de fendre l’air en sifflant. Elle pointa la pointe, heureusement non affilé, en direction du soldat, le corps de côté et le bras gauche légèrement en l’air. Elle rétorqua :
«Oseriez-vous redire ces mots devant une chasseresse de votre Flamme Éternelle?»Quelques hommes rigolèrent en disant que si leurs sœurs ou leurs cousines l’entendaient dire de telles paroles, elles n’hésiteraient pas à le dépecer vivant.
Aussi ironique que cela puisse paraitre, la jeune vampire avait bel et bien été entrainé comme sa mère l’avait été avant elle, cette dernière prétextant vouloir inculquer l’art de se défendre à sa fille. Certes, la rouquine était loin d’être habile avec une arbalète, mais elle savait si faire avec les lames, que ce soit couteau ou épée. Son père lui avait fièrement transmis ses vastes connaissances en la matière.
De stature plutôt frêle, il lui avait enseigné la maitrise de la vitesse et la souplesse pour l’esquive, plutôt que les coups de force. Bouger sans arrêt, esquiver habilement, jusqu’à ce que la cible, plus forte et plus grosse que toi, s’épuise.
S’enorgueillant devant l’aspect de son prétendu adversaire, le garde sortit sa double lame de son fourreau, tout en fixant la dame du regard. Leurs échanges avaient immanquablement attiré l’attention de Charles qui fit mine de s’interposer, promptement arrêté par le chef de bataillon.
«Attendons de voir ce qu’elle vaut. Elle va peut-être enfin donner une bonne leçon à ces gringalets bornés, on sait jamais…»
Le cercle de spectateurs s’agrandit pour laisser place aux deux adversaires. Eyrah salua, faisant de nouveau siffler la lame fine, et n’eut qu’un claquement de langue comme réponse. La jeune femme laissa le soldat venir à elle en premier et il ne se fit pas prier, tentant d’enchainer ses coups avec force, mais son arme, devant être prise à deux mains, laissant beaucoup d’ouvertures. Préférant faire durer le jeu, son sourire toujours rivés sur ses lèvres rougeâtres, la vampire évita tous les coups, tournoyant sur elle-même, sa longue tresse comme une trainée de feu dans son dos, tout en maintenant toujours sa position de base.
Elle n’était pas stupide et connaissant son niveau. Contre quelqu’un de plus habile, elle se ferait rapidement prendre à son propre jeu. Mais le soldat n’étant pas un maitre escrimeur, elle pouvait aisément se permettre quelques parades.
Le souffle court et les joues rouges du soldat lui indiquèrent qu’il était temps de mettre fin à son petit manège et elle prit soudainement l’avantage, enchainant les coups d’estoc, le métal de la rapière chantant presque lorsqu’il percutait celui de l’épée longue. Un coup sec sur la main du soldat lui fit perdre prise sur la poigne de son épée, cette dernière percutant le sol de pierre, l’écho se répercutant longuement dans le silence soudain de la pièce.
Eyrah pointa la petite lame direction sous la gorge du soldat, avant de reculer et de s’incliner à nouveau, alors qu’un tonnerre d’applaudissement et de quolibets fusèrent en direction du perdant. S’en suivirent les questions sur où elle avait appris une telle forme d’escrime, les italiens gardant presque jalousement le maniement de la rapière pour eux seul. Un peu étourdie par leurs flots de paroles et le soudain respect qu’elle percevait maintenant dans leurs yeux, la dame sembla se recroqueviller sur elle-même, les joues rosit par la gêne. Même le perdant ne semblait pas lui en tenir rigueur, se frottant la main en souriant et riant des blagues de ses compères.
«Dégagez bande de guignols! Vous voyez bien que vous mettez la Dame mal à l’aise. Retournez tous à l’entrainement!»
La voix forte du chef de bataillon résonna dans la pièce et personne ne se fit prier pour lui obéir. Grand, dépassant facilement tout le monde d’une bonne tête, portant fièrement une barbe fourni d’un brun sombre, il avait tout du soldat intimidant, mais ses yeux, noirs de jais étaient étrangement doux.
«Vous avez sacré une foutu raclée à Roland, ma Dame. Une leçon que personne ne va oublier de sitôt!»
Eyrah fixa l’homme de ses yeux étranges, mais celui-ci ne laissa paraitre aucun signe d’embarras. Profitant du fait qu’elle reposait l’arme sur le râtelier, elle détourna les yeux et murmura :
«Je suis désolée si je vous ai causé un quelconque embarras, sire.»L’homme s’esclaffa.
«Je suis loin d’être un Chevalier, ma Dame. Je ne suis qu’un simple dirigeant de bataillon. Je n’ai même aucun grade! Appelé moi simplement Gontrand. Vous avez un réel talent, mademoiselle. Votre jeu de pied mériterait un peu d’entrainement, mais cela serait du gâchis que de ne pas continuer votre formation. »
Une exclamation parcourue les soldats qui écoutaient tous la conversation d’une oreille attentives. Certains souhaitant glaner quelques nouveaux tours d’escrime, alors que d’autres souhaitant simplement avoir une jolie dame pour compagnie.
Gontrand se retourna en direction de ses hommes, leur intimant de retourner travailler ou qu’il les priverait de bière pour le restant de la semaine. Ne se faisant pas prier, le bruit du métal s’entrechoquant reprit de plus belle.
«Je ne voudrais pas déranger», répondit la jeune vampire, toujours aussi peu habitué à ce genre d’attention.
Il balaya ses inquiétudes du revers de la main et continua :
«Vous en faites déjà beaucoup pour ma fille, en lui apprenant à lire et à écrire, quelque chose que je n’avais jamais pu lui offrir auparavant. Alors vous prendre à l’entrainement n’est qu’une façon pour
moi de vous remercier.»
Il rajouta, devant l’air quelque peu interrogateur de la dame :
«Ma fille, Marie.»
Eyrah poussa un léger souffle d’exclamation, assurément que la jeune servante devait tenir de sa mère…
C’est sur ces paroles que le majordome interrompra leur conversation, indiquant à la jeune vampire qu’il avait trouvé un lieu acceptable, il sembla insister sur ce mot, pour son entrainement à la danse.
S’excusant auprès du géant, Eyrah emboita rapidement le pas à Charles qui l’entraina de nouveau vers les étages.
«Le hall est bien trop animé par tous les vas et vient, alors j’ai pensé à un lieu plus calme.»
Il souffla, presque inaudible :
«Le jeune maitre aura ma peau…»
Il ouvrit la porte de la bibliothèque et laissa la jeune femme y pénétrer en premier, faisant signe aux deux soldats qui les accompagnaient toujours de déplacer les meubles pour leur donner un peu plus d’espace.
Charles interrogea la dame sur son expérience, déplorant au passage que ses connaissances ai été à la mode une vingtaine d’années plus tôt. Eyrah s’excusa platement, ses leçons de danse ayant été provider par ses parents qui n’avaient pas réellement fréquentés de fêtes depuis longtemps.
Un bref souvenir lui passa, elle plus petite apprenant à danser sur les pieds de son père, sous le rire cristallin de sa mère. Un autre temps, où tout était plus léger…
Les jours défilèrent rapidement, le majordome ayant fait venir des tuteurs directement de la capitale pour enseigner l’étiquette et les dernières danses à la mode à la jeune vampire. Au tout début, les deux professeurs, un homme et une femme, mariés très vraisemblablement, avaient semblé très peu enclin à enseigner à la dame, au vu de sa nature et apparence particulière, mais Eyrah se doutait que Charles leur avait glissé quelques piécettes supplémentaires. La femme s’était particulièrement offusquée un matin, lorsqu’elle avait retrouvé sa jeune élève, une épée à la main, en train de s’entrainer avec les soldats du manoir. Elle lui avait fait répéter en boucle ses leçons sur la bienséance féminine, tout en réprimandant son peu de talent à la broderie, le tout sous le regard presque amusée de Marie qui, sans l’avouer, profitait aussi de la présence de la dame pour apprendre quelques notions ici et là. Ils étaient repartis au bout de trois semaines, la jeune femme ayant bien avancé dans ses leçons de danse et prétextant un autre contrat ailleurs. Les gens de la maisonnée savaient qu’ils iraient répandre quelques rumeurs sur l’étrange dame aux cheveux rouge qui vivait dans le manoir de l’Archêveque.
Eyrah avait, par ailleurs, continué d’enseigner la lecture et l’écriture à Marie, le soir, lorsque la mégère les laissait enfin un peu seules. La jeune vampire profitant que la servante pratique ses lettres pour jouer doucement quelques mélodies sur sa harpe.
Un soir, alors que la pluie avait cessé pour quelques heures et que Marie s’était endormie sur le tapis, lové par la chaleur du feu qui brûlait dans l’âtre, chassant l’humidité de l’automne, Eyrah revêtit sa cape et sortit de ses appartements, rapidement suivit par les deux gardes flaqué à sa porte. Elle se demanda bien quand les deux pauvres hommes se reposaient, puisqu’ils semblaient toujours être ceux présent à ses côtés. Elle avait appris qu’ils restaient environ une dizaine d’heures en fonction, n’étant relevé que tard dans la nuit, mais la jeune femme n’avait jamais réellement croisé les deux autres soldats occupant ce poste. Durant les semaines qui avaient passé, elle leur avait souvent fait livrer du vin ou de la bière, ainsi qu’un jeu de dé pour passer le temps lorsqu’elle ne sortait pas de la chambre. Ils semblaient d’autant plus joyeux de la suivre après leurs quelques interactions, plutôt content d’être au service d’une maitresse aussi conciliante.
L’air frais du soir lui fit le plus grand bien, se sentant étouffé par les feux de cheminés, maintenant allumés en permanence, ainsi que par la nouvelle tapisserie apposé sur les murs en briques de sa chambre, soi-disant pour chasser l’humidité et retenir la chaleur à l’intérieur de la demeure. Elle s’appuya contre les clôtures en bois délimitant le pâturage des chevaux, ces derniers n’ayant pas été encore rentrés pour la nuit. La plupart s’éloignèrent, les oreilles dans le cran et les yeux révulsés d’une terreur muette. Le petit gris pommelé que la jeune femme avait monté quelques temps plus tôt ne s’éloigna pas, il s’approcha plutôt au son qu’émis la dame qui lui flatta doucement l’encolure, à la plus grande surprise de ses gardes.
«Vous savez, lui indiqua le premier prénommé Clovis, nos chevaux sont entrainés à craindre et à attaquer les vampires. C’est plutôt surprenant d’en voir un se laisser caresser ainsi.»
Eyrah leur sourit et répondit, tout en sortant de sa cape une pomme que l’animal avait déjà probablement sentit :
«Les chevaux sont intelligents. Ils savent lorsque quelqu’un leur veut du mal… et ils sont facile à amadouer avec les bons outils…» termina t’elle en agitant doucement le fruit qu’elle tendit au destrier.
Il ne se fit pas prier pour le prendre directement de sa main, tout en émettant un petit hennissement de bonheur. Il repartit après quelques minutes, comprenant bien que la demoiselle aux cheveux de feu n’avait plus rien d’intéressant de caché dans ses poches.
La vampire profita encore du vent frais et du scintillement des étoiles pendant une dizaine de minute, laissant son esprit vagabonder dans ses souvenirs. Sentant la peine l’envahir, elle préféra rentrer, congédiant ses gardes pour la nuit lors de son retour dans ses appartements. Marie avait disparu, remplacé par une carafe en argile. L’odeur qui s’en dégageait l’attira immanquablement et elle bût le sang frais avec une certaine avidité, la coupe en métal tintant légèrement contre ses canines.
Le lendemain, de l’Aiguille revint avec ses ouvrages terminés, ne cessant de dire à quel point sa jolie pivoine lui avait manqué, au plus grand dam de la dite demoiselle. Il lui avait rapporté une demi-douzaine de robes, avec leurs accessoires, et c’était à se demander par quelle sorcellerie il avait pu en faire autant en si peu de temps. La crépine bordée de perle attira involontairement l’œil de la jeune femme, le maitre couturier prenant mentalement note de ses goûts pour les coiffes. Il ne retenu pas sa joie en voyant la jeune femme revêtu d’une de ses robes, inspiré de la dernière mode italienne. Il lui fit un clin d’œil quand elle découvrit, parmi la soie et le coton, un simple pantalon en cuir foncé, comme celui qu’elle avait pris l’habitude de porter lorsqu’elle s’entrainait avec sa défunte mère.
Sa visite fut brève, mais épuisante pour les gens présents. Eyrah pria silencieusement pour qu’il ne revienne pas de sitôt, surtout pour qu’il ne termine pas son histoire quelque peu salace sur Lysandre, histoire qu’elle n’avait pas vraiment eue envie d’entendre au prime abord. Charles lui avait bien fait comprendre que de tels propos n’avait pas lieu d’être en présence d’une dame et de la jeune servante, tout juste sortie de l’enfance avec ses treize ans.
Quelques jours plus tard, Eyrah eut une brève vision, ces dernières s’étant étrangement raréfier durant le dernier mois passé, n’ayant été que de brefs images ou paroles. Elle informa, le majordome du retour prochain de son maitre, sans que celui-ci ne semble surpris par les paroles de la dame. Était-il au courant pour son don? Elle ignorait jusqu’à quel point le serviteur était dans le secret et préféra donc taire ce léger détail.
Son retour fut marqué par un ciel déchainé, déversant toute l’eau qu’il avait retenu dans la dernière semaine, le vent s’engouffrant furieusement à l’intérieur lorsqu’on ouvrait la porte extérieure du manoir. Le temps était si mauvais qu’il était quasiment impossible d’apercevoir la cour depuis les meurtrières de la maison.
Eyrah attendit patiemment, un livre à la main, que les portes de la bibliothèque s’ouvrent sur les deux personnages, sa robe italienne en taffeta rouge et or scintillant doucement sous la lumière des chandelles. Le dernier venu sentant fortement le sang et la boue, à un point tel que la jeune vampire fronça le nez, incommoder par l’odeur de la blessure. Elle se réjouit d’avoir sustenté sa faim quelques jours auparavant, alors que sa gorge la tiraillait faiblement. Elle se savait en mesure de résister pour un certain temps encore.
« Pourquoi avoir dérangée la seule pièce que j’apprécie dans cette demeure ? - Pour entrainer Dame Eyrah, Votre Grâce…
- Entrainer ? Mais à quoi voulez-vous…. »Marie effectua une révérence timide, alors que la jeune dame à la chevelure de feu ne lui prêta guère plus d’attention, se concentrant sur les mots qu’elle lisait, tentant d’oublier l’odeur qui envahissait la pièce. Elle soutient rapidement son regard avec que ce dernier ne se détourne en direction du majordome
« Il y a malentendu. - Vous avez dit oui pour laisser Dame Eyrah venir avec vous, Votre Grâce.
- Je n’ai jamais… »Eyrah laissa la conversation entre maitre et serviteur se dérouler sans y prendre part, observant seulement le maitre de lieu qui affichait un air las, ses vêtements trempés dégoulinants en flaque sur le parquet en bois massif. Ses sens aux aguets, elle sut qu’il éprouvait une quelconque douleur lorsqu’il prit place au fauteuil.
« Vous et Marie sortez… Je veux m’entretenir avec Dame Eyrah.
- Bien Votre Grâce. »
La jeune servante suivit le majordome hors de la pièce, tout en jetant un regard désolée à sa maitresse, n’ayant toujours pas oublié le gênant évènement du bain…
« Vous pensez que c’est une bonne idée de venir à un bal ? »Eyrah haussa simplement un sourcil. Elle savait que ce n’était pertinemment pas une bonne idée, mais elle se doutait bien que certaines personnes influentes désiraient la voir présente. Pour l’humilier?
C’était fort probable. Elle savait, par contre, que sa vie n’était pas en danger immédiat, ses visions ayant déjà été prouvés véridiques. Elle n’était pas idiote. Elle connaissait sa valeur aux yeux de l’archêveque et celle-ci était plus élevé vivante que morte.
« Avec moi qui plus est… »La dame voulut rajouter un quelconque commentaire, mais se retint. Ce n’était pas le moment de le remettre en colère, cela ne l’avait pas vraiment réussi la dernière fois…
« Je suis désolé pour la dernière fois, je pense ne plus boire d’hydromel avant longtemps… Du moins en votre compagnie. »Elle réprima un hoquet de surprise. Venait-il vraiment de lui demander pardon? Elle arrivait à peine à en croire ses oreilles. Elle espérait aussi que ce genre d’évènement de ne reproduise plus, mais dans un endroit où les humains buvaient plus d’alcool que d’eau, était-ce vraiment bon d’espérer ce genre de chose? D’ailleurs, n’était-ce pas lui qui lui avait demandé de le mordre…
Il changea rapidement de sujet et continua :
« Vous devriez aller préparer vos affaires si vous êtes toujours d’accord. Nous partons demain matin ! »Ce changement de ton soudain la laissa muette pendant quelques secondes. Elle s’inclina finalement, tout en répondant l’intuition qui lui avait empoigné l’esprit :
«Ce n’est certes pas une excellente idée… Mais vous comme moi savons que nous n’avons guère le choix. Certaines personnes nous désirent présents, il serait plutôt malpolis de leur faire faux bond…»Sur ces mots, elle se redressa, le fixant quelques secondes du regard avant de se retourner dans un froissement d’étoffe et quitter la pièce. Elle se dirigea rapidement en direction de ses appartements, y trouvant sa jeune servante en plein préparatif pour le départ de demain.
«Je vous ai préparé une robe de voyage ma Dame» lui dit-elle lors de son entrée dans la chambre.
Elle pointa la robe en coton qu’elle avait déposé sur une chaise. Elle continua, tout en pointant les différentes robes de soirée qu’elle avait déposée sur le lit :
«Laquelle voulez-vous portez pour demain soir?»
Les gris et dorés se mélangeaient aux différentes teintes de bleus, de verts et de rouges. Eyrah pris entre ses mains une robe de damas bleu et l’a tendit à la servante. Légèrement moins extravagantes que certaines autres pièces, peut-être pourrait-elle passé plus aisément inaperçu. Quoiqu’avec la couleur de ses cheveux, c’était peine perdue. Le fait qu’elle allait être la seule vampire, dans un lieu remplie de chasseur la terrorisait, sans pour autant qu’elle n’ose l’avouer.
La soirée passa sans autre encombre, la jeune femme en profita pour relaxer longuement dans un bain tiède, chassant l’humidité de cette nuit d’automne. Après avoir passé quelques heures à jouer mollement de la harpe, sans pour autant trouver le sommeil et voyant Marie qui somnolait dans le fauteuil au coin du feu, elle se leva et enfila son pantalon de cuir par-dessus sa chemise de nuit. Elle attrapa l’ouvrage de broderie qui glissait de mains de sa servante et le déposa sur la petite table, ne pouvant s’empêcher de sourire.
Eyrah sortit doucement de la pièce, passant juste à côté du coffre en bois contenant ses habits de soirée et soupira. Cette soirée allait probablement lui demander beaucoup de patience…
Ses gardes de nuit semblèrent surpris de la voir sortir. La rouquine ne les connaissait que très peu, étant plus habitué à Clovis et Jules. Ils la suivirent jusqu’à la salle d’arme, complètement vide à cette heure, restant à l’extérieur, mais laissant la porte entre ouverte pour garder un œil sur les agissements de la vampire.
Elle s’entraina avec sa rapière pendant quelques heures, sa chemise de nuit collait à son corps svelte, une unique goutte de sueur longeant son cou, ses cheveux relevés laissant à découvert la marque au fer rouge qu’on lui avait apposé. Elle plissa les yeux, surpris par les premiers rayons de l’aube qui commençait à poindre au travers des vitraux.
Pendant un certain temps, au beau milieu de la nuit, elle s’était senti étrangement observé, mais elle n’avait pas osé briser sa concentration en jetant un coup d’œil ver la porte. Elle n’avait donc aucune idée de celui ou celle qui avait bien pu l’espionner.
Elle retourna à ses appartements et fut rejoint par ses gardes habituels qui semblèrent plutôt surpris de ne pas la voir dans sa chambre à cette heure. Eyrah réveilla Marie qui l’aida à faire un brin de toilette et se changea rapidement dans sa tenue de voyage, une robe de lainage grise et une cape d’un bleu sombre, ses cheveux relevés en une couronne de tresses. Les deux jeunes femmes descendirent en direction du hall, suivit de près par des serviteurs portant les coffres contenant leurs habits de soirée. La pluie avait finalement cessé après le déluge de la veille et ils déposèrent leurs fardeaux sur le carrosse en prenant bien garde d’éviter les immenses flaques d’eau présente dans la cour.
Eyrah plissa des yeux et tira un peu plus sur la capuche de sa cape, tentant de faire de l’ombre à ses yeux sensibles. Tentant de montrer un peu de bonne foi, et aussi pour faire la démonstration de ses cours de «bienséance» qu’elle avait suivi, la femme aux cheveux de feu s’inclina devant le maitre des lieux et lui murmura :
«Bon matin, mon seigneur. J’espère que vous avez passez une meilleure nuit que moi.»Le sarcasme étant évident, elle se retourna avant d’entendre la réponse et Charles l’aida à monter les quelques marches menant à l’intérieur du véhicule, suivit de près par Marie. La jeune vampire aurait honnêtement préférer monté à cheval pour le trajet, mais sa jeune servante ne savait pas monter. Par ailleurs, il aurait été plutôt difficile de contrôler les chevaux des gardes qui les accompagnaient, tous n’étant pas aussi obéissant que Béatrice et auraient probablement tenter de fuir à l’approche de la vampire.
Ses dernières heures éveillés semblèrent lui peser après quelques temps et les ballotements du carrosse firent dérivés ses pensées, alors qu’elle fixait d’un regard vide le ciel bleu au nuage duveteux. Son don semblait paralyser depuis quelques jours, étant incapable de prédire ce qui arriverait durant cette soirée tant redouté et cela la remplissait de terreur.
- Spoiler:
Bon, après t'avoir fait poireauté pendant presque un an, je te livre enfin la marchandise.
J'étais plutôt bloqué sur ce qui s'était déroulé durant le mois d'absence de Lysou, mais j'espère que tu vas aimer quand même
J'ai surtout hâte à ce qu'on a discuter dans la voiture en revenant des chutes du niagara, avec le croustillant et tout
. Info pour Tasia, ouais, j'ai décidé de changer à la troisième personne, je me suis rendue compte à quel point je restais bloquée sur la première... Je vais changer les autres textes au fur et à mesure! J'espère que j'avais le bon code de couleur avec 33cc99.... J'ai aussi un lien pour les robes si tu veux que je te les envoits et pour la harpe médieval que j'écoutais en écrivant le rp xD
https://www.youtube.com/watch?v=kzSR0eJxJiI Ça fait tellement longtemps que je ne suis même plus certaine des codes web xD Encore désolée pour l'attente, si tu veux que je change quelque chose tu me le dis!